Une Jeunesse
Paul Peyrat est devenu marin à 14 ans. © Crédit photo : photo Famille Peyrat/IHS-CGT
En feuilletant les archives, l’institut CGT d’histoire sociale de la Gironde a retrouvé l’histoire de Paul Peyrat, un matelot bordelais qui a tenté de détourner un cargo.
Paul Peyrat, qui en a entendu parler à Bordeaux ? Personne. Pourtant, ce jeune matelot a mené des actions héroïques lors de la Seconde Guerre mondiale, dont une qui lui a été fatale. Condamné à mort par un tribunal militaire, il a été fusillé le 23 mars 1942 à Mers El-Kébir en Algérie.
Soixante ans après, son histoire ressurgit et c’est tout à fait par hasard. En répertoriant des liasses d’archives à la Bourse du travail, en décembre dernier, les membres de l’Institut CGT d’histoire sociale de la Gironde (IHS-CGT) sont tombés sur un document faisant état des « obsèques solennelles en 1947 à Bordeaux » d’un jeune marin de 20 ans. Qu’est-ce qui avait pu pousser les autorités à rendre un tel hommage à un garçon dont il n’était jamais question lors des cérémonies commémoratives ?
Les historiens cégétistes ont tiré la ficelle et sont parvenus à reconstituer toute la vie du vaillant matelot. « En cinq mois, nous avons rassemblé plus de 200 pages d’archives (documents, photos, articles de presse), pris contact avec des écrivains qui avaient relaté les faits, recherché et trouvé les membres de trois familles proches du jeune marin fusillé », explique Jean Lavie, président de l’lHS-CGT.
Cégétiste résistant
Fils de marin, Paul Peyrat est tout naturellement devenu marin. À 14 ans. Un marin qui s’engage très vite au sein de la CGT et qui, tout aussi vite, se retrouve dans des actions de résistance. En 1938, ainsi, il est à bord du « Guilvinec », un navire de la compagnie France Navigation (créée par le PCF) qui achemine des armes, du matériel et des denrées aux Républicains espagnols en lutte.
En pleine guerre, en 1942, le jeune Peyrat se trouve sur le cargo « Gabriel Guist’Hau ». Il ne supporte pas l’occupation allemande, encore moins le régime de Vichy, un régime pour lequel « roule » le commandant Le Callo, patron du cargo.
Aussi, début mars 1942, Paul Peyrat et trois de ses camarades, Marcel Chapelain, Jacques Pillien et Yves Le Carboullec, décident-ils de détourner le bateau, pour le livrer aux Forces navales françaises libres et rejoindre eux-mêmes la Résistance. Le 4 mars 1942, le cargo quitte Casablanca. Le 6 au matin il est dans le détroit de Gibraltar. À l’heure dite, Le Carboullec prend la barre, pendant que Peyrat et Pillien, revolvers au poing, tiennent en respect le commandant et ses seconds.
Le commandant tente de s’échapper, se saisit d’une carabine et tire en direction de Paul Peyrat. Le Carboullec riposte. Bien que blessé, le commandant parvient tout de même à faire signe à un bateau militaire français qui navigue à proximité. Le « Gabriel Guist’Hau » est stoppé net.
Devant l’impossibilité de poursuivre leur action, Paul Peyrat et Jacques Pillien se jettent à l’eau. Les jeunes marins sont vite repris et embarqués.
Condamnés à mort
Conduits à Oran, les deux résistants sont mis aux arrêts et présentés devant le tribunal spécial de la marine militaire. Impitoyables, les juges réclament la peine de mort et l’obtiennent. Pour « mutinerie, trahison envers la patrie, détournement de navire et de sa cargaison pour les livrer à un pays ennemi, vols, attentat à la vie de leur commandant et celle d’autres de l’équipage. »
17 jours après, les deux garçons sont fusillés. La suite fait mal car jamais les deux intéressés n’auraient dû mourir. En 1944, la cour d’appel d’Alger annule le jugement. En 1945, ils sont déclarés « morts pour la France » et, en leur mémoire, le gouvernement de la Libération baptise un cargo au nom de « Matelots Pillien et Peyrat ».
Ce n’est que deux ans après, grâce aux démarches engagées par les marins CGT et à la famille, que la dépouille de Paul Peyrat revient à Bordeaux. Les obsèques sont célébrées le 16 mars 1947. Avec les honneurs militaires.
Le 23 mars dernier, l’IHS-CGT et les membres de sa famille lui ont rendu un bel hommage. À La Chartreuse, devant le monument des fusillés. « Ce que nous voudrions maintenant, c’est que la ville de Bordeaux baptise une rue : « Frères Peyrat, résistants. » Nous allons faire les démarches nécessaires », indique Lucien Gay, secrétaire de l’IHS-CGT.