LE SYNDICAT CGT TERRITORIAUX PRÉSENT
A LA COMMÉMORATION DU 18 JUIN 2022 A DRANCY
Le 18 juin, il y a bien sûr l’appel du Général de Gaulle, qui a réagi au message indigne de Pétain, la veille.
Mais il y en a aussi deux autres.
Celui de Charles Tillon suivra, voici déjà celui d’Edmond Michelet, à Brive la Gaillarde (entretien d’Éric Porte du journal « Le Populaire » avec Laurent Soutenet) :
« Le tract anonyme, élaboré par Edmond Michelet et distribué à Brive, est considéré comme antérieur à l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle. Êtes-vous d’accord ?
« C’est délicat de l’affirmer, le tract n’étant pas daté. Ce qui est sûr, c’est qu’Edmond Michelet l’a rédigé le 17 juin 1940, juste après avoir écouté le discours du maréchal Pétain. À 12 h 30, ce dernier annonce à la radio vouloir mettre un terme aux hostilités. Dans sa maison, à Brive, Edmond Michelet est catastrophé et commence à élaborer un texte. Il est allé voir un imprimeur et avec quelques amis, il a distribué le tract dans des boîtes aux lettres, sans doute le 19 juin. »
Quelle est selon vous la phrase la plus importante ?
« Le tract est une compilation de passages de l’écrivain Charles Péguy, mort au front en septembre 1914. C’est une référence intellectuelle de Michelet. L’une des phrases est tirée d’un essai, L’Argent : « Celui qui ne se rend pas a raison contre celui qui se rend, c’est la seule mesure […] En temps de guerre, celui qui ne se rend pas est mon homme, quel qui soit, d’où qu’il vienne et quel que soit son parti ». »
Remontons quelques années avant 1940. Qui est Edmond Michelet ?
« Il exerce le métier de courtier en alimentation, avec une certaine réussite. Il passe même des commandes directement aux États-Unis, ce qui lui servira plus tard pour aider des juifs à s’y rendre. C’est un père de famille nombreuse, sept enfants, un fervent catholique et un homme engagé dans la vie associative, mais à l’écart de la politique. Il a pourtant milité à l’Action française, jusqu’en 1926-27, jusqu’à ce que le Vatican condamne la pensée de Charles Maurras. Dans les années 1930, Edmond Michelet évolue vers un catholicisme social. Il fonde à Brive une antenne des Équipes sociales, un mouvement d’éducation populaire créé par l’Aurillacois Robert Garric. »
Il anime aussi la vie intellectuelle locale. C’est par ce prisme qu’il voit les dangers du totalitarisme ?
« Oui, parce qu’il est attentif aux signes de son temps. En 1937-38, Edmond Michelet crée à Brive le Cercle Duguet, un cercle de réflexion qui organise des conférences, sur le racisme, l’antisémitisme… Il fait venir des intellectuels, se crée un réseau. Edmond Michelet a sans doute été frustré de ne pas faire d’études. Ce n’est pas un conformiste, au sens où il se méfie du prêt-à-penser. Et puis, les événements l’inquiètent : il ressent comme une gifle les accords de Munich**, en septembre 1938. Il devine la suite en disant que « les nazis seront demain à Strasbourg et après-demain à Périgueux » ».
Que fait-il au moment du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale ?
« Il vient en aide aux réfugiés, d’abord les Républicains espagnols. Un officier va d’ailleurs passer la guerre comme jardinier sur sa propriété à Marcillac, près de Brive. Puis, ce sont les Déplacés, ces Français d’Alsace et de Moselle évacués des zones de combat. Et enfin, les civils qui fuient l’avancée allemande ; Edmond Michelet dirige une cantine, installée à la gare de Brive. Au printemps 1940, il tient un journal où il note « l’effroi » de ces Belges, Luxembourgeois, Français. En parallèle, il accueille, chez lui, des personnes qui viennent lui demander : « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? ». Pour tous, c’est la catastrophe. C’est dans ce chaos qu’apparaissent les prémices d’un mouvement de résistance catholique. »
Ce sont les fondations de son action future ?
« Tout à fait. Arrêté par les Allemands début 1943 (lire ci-dessous), Michelet n’a pas connu la phase armée de la Résistance. Il diffuse un journal clandestin, propose des faux papiers, et devient responsable régional du réseau Combat, fondé par Henri Fresnay. Michelet, c’est un inspirateur. Son attention à l’évolution du monde, son respect de la dignité humaine doivent nous inspirer. »
(*) Basée à Brive, l’association perpétue le souvenir d’Edmond Michelet, aux côtés du centre d’études éponyme.
(**) Signés entre l’Allemagne nazie, la France, le Royaume-Uni et l’Italie fasciste, ils livrent la Tchécoslovaquie aux Allemands.