Nuit du 9 février 1962 Drancy
FÉRY Daniel
Né le 30 mai 1946 à Paris (Xe arr.), mort le 8 février 1962 à Paris (XIe arr.) au métro Charonne ; employé de presse ; membre de la CGT et des Jeunesses Communistes.
Originaire de Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis), Daniel Féry était issu d’un milieu modeste. Son père était magasinier à l’usine de construction mécanique La Polymécanique de Pantin (Seine, Seine-Saint-Denis). Sa mère n’avait pas d’activité professionnelle. Aîné d’une famille de trois enfants (André, né en 1948 ; Nicole, née en 1950), Daniel Féry commença un premier apprentissage en tant que polisseur – peut-être dans l’usine où travaillait son père – avant d’être embauché – à la fin de l’année 1961 ou au début de l’année 1962 – à la Société d’expédition et de routage de presse (SERP). Son travail consistait à imprimer les bandes d’abonnements des quotidiens l’Humanité et Libération.
Membre des Jeunesses communistes de Drancy depuis quelques mois – il participa probablement pour la première fois en septembre 1961 à la Fête de l’Humanité dont il conserva précieusement la vignette dans son portefeuille – Daniel Féry adhéra également au Syndicat national des cadres et employés de la presse (CGT).
Par ailleurs, Daniel Féry commença à pratiquer la boxe le mercredi et le vendredi soir au gymnase Auguste-Delaune à Drancy en compagnie d’un autre membre des Jeunesses communistes de Drancy, comme lui employé comme apprenti à la SERP, avec lequel il décida de se rendre le jeudi 8 février 1962 à la manifestation organisée contre les attentats perpétrés la veille par l’Organisation de l’armée secrète (OAS).
Tout porte à croire que Charonne était la troisième manifestation à laquelle participa Daniel Féry, après avoir défilé contre la guerre d’Algérie le 19 décembre 1961 puis en janvier 1962. Ultérieurement, des manifestants témoignèrent l’avoir entendu dire : « Dans cinq ans, je partirai en Algérie si notre action à tous ne parvient pas à imposer la paix ».
Interdite, la manifestation fut violemment réprimée par la police. Au total, neuf personnes furent tuées, dont Daniel Féry : Jean-Pierre Bernard (dessinateur aux PTT, 30 ans), Fanny Dewerpe (secrétaire, 30 ans), Anne-Claude Godeau (employée des PTT, 24 ans), Édouard Lemarchand (employé de presse, 40 ans), Suzanne Martorell (employée de presse, 35 ans), Hyppolythe Pina (maçon, 58 ans), Maurice Pochard (employé de bureau, 48 ans) et Raymond Wintgens (typographe, 44 ans). D’après l’historien Alain Dewerpe, le décès de Daniel Féry est officiellement dû à « une asphyxie « par compression dans une foule » provoquée par les brutalités commises par les policiers sur les personnes amoncelées dans la bouche de métro Charonne ». Le 13 février 1962, une foule considérable participa aux obsèques des morts de Charonne.
Quelques semaines après le drame, la municipalité de Drancy inaugura – en dépit de l’opposition du préfet de la Seine – une rue Daniel-Fery. Comme l’a montré Alain Dewerpe, d’autres municipalités – souvent communistes – attribuèrent également par la suite le nom de Daniel Féry à une voie de leur ville (Montreuil, Villejuif) ou bien à un lieu collectif : salle de spectacle (Nanterre, Arcueil, Vigneux, Amiens), gymnase (Villejuif, Champigny-sur-Marne, Villeneuve-le-Roi), stade (La Courneuve), école (Limeil-Brévannes, Raismes, Fresnes-sur-Escaut) ou centre de vacances (Champagneux). Quelques poèmes lui furent également consacrés, comme celui du poète Bernard Vargaftig publié dans le numéro du 23 janvier 1963 de l’hebdomadaire France Nouvelle