Drancy 11 novembre 2021… LA PAIX

Malgré tous les efforts de Jaurès, les évènements sont en marche et ne peuvent être arrêtés. Le 24 juillet 1914, l’Autriche adresse un ultimatum à la Serbie.

La CGT s’inquiète et en appelle aux forces ouvrières. Jouhaux, secrétaire général de la CGT, lance « À bas la guerre2 ! » et appelle à une manifestation contre la guerre, le 27 juillet, dans « La Bataille syndicaliste ». Dès que la guerre est déclarée entre l’Autriche et la Serbie, le 28 juillet, la CGT appelle les ouvriers à rester fermes, même si celle-ci est en réalité troublée et incertaine sur la conduite à prendre, face à un gouvernement dont elle a approuvé la politique de paix.

Du côté de la SFIO, on voit le salut dans la diplomatie des gouvernements. Jaurès est favorable à la diplomatie, à l’arbitrage. Comme il le dit en 1913 au Pré-Saint-Gervais : « L’ennemi du prolétariat, ce sera le gouvernement qui refuse l’arbitrage8 ».

Ainsi, les socialistes soutiennent le gouvernement, ce qui est en contradiction avec toutes leurs déclarations enflammées contre le gouvernement qu’ils taxent autrefois de bellicisme. Cela montre aussi que le Parti socialiste ne soutient pas la politique de la CGT et leur manifestation du 27 juillet. En effet, Jaurès désire que l’action ouvrière soit internationalement coordonnée, et prône la mesure. Jaurès finit par obtenir un congrès de l’Internationale à Paris, prévu pour le 9 août.

Finalement, Jaurès parvient à se rallier la CGT, qui adhère à sa conception de lutte pour la paix et abandonnera la sienne. En effet, le gouvernement réprime sévèrement les actions de la CGT, en interdisant ses réunions, en arrêtant ses membres et en réprimant ses manifestations, et conjuguée à cela, la pression des socialistes pour la convaincre de les rejoindre, l’amène à renoncer à l’action révolutionnaire contre la guerre. Ainsi, le 31 juillet 1914, syndicalistes et socialistes sont réunis dans la même conception de la lutte ouvrière pour la paix. C’est le triomphe de Jaurès. Mais celui-ci est de courte durée, car le même jour, il est assassiné.

Le 1er août, l’Allemagne et la France décrètent la mobilisation générale. L’assassinat de Jaurès, la veille, avait désemparé le mouvement ouvrier. Les dirigeants, qui ont soutenu l’effort de paix du gouvernement, pensent ne plus pouvoir désavouer celui-ci, et renoncent à la lutte contre la guerre. La défense nationale devient la priorité. Le pays désormais menacé, il faut le défendre. Il ne semble plus y avoir d’espoir de sauver la paix. Le Parti socialiste se résigne, devant son « devoir envers la patrie » (en effet, Jaurès ne rejette pas le patriotisme, qui selon lui va de pair avec l’internationalisme)9.

La CGT se résigne également, submergée par les événements, et constate son impuissance10. Lors des obsèques de Jaurès, Léon Jouhaux prononce un discours à tonalité patriotique, et déclare faire la guerre contre l’impérialisme et le militarisme allemand, et non contre l’Allemagne. « La classe ouvrière, le cœur meurtri », se résigne. Elle combat contre les Empereurs d’Allemagne et d’Autriche, en « soldats de la liberté ». Dans ce discours capital, Jouhaux renonce donc à considérer la classe ouvrière comme étrangère à la patrie : il considère désormais que la classe ouvrière fait partie de la nation et doit défendre la République. Le mouvement ouvrier, puisqu’il n’a pas pu empêcher l’entrée en guerre, se rallie majoritairement à la défense nationale.

Le ralliement de la CGT à « l’Union sacrée » (expression de Poincaré) et l’entrée de dirigeants socialistes dans le gouvernement provoquent de sérieux remous dans le monde ouvrier. Dans la classe ouvrière, il est d’usage de dire : « Un prolétaire n’a pas de patrie », or cela est en contradiction avec la guerre, qui n’est qu’un attentat contre la classe ouvrière et un moyen de diversion à ses revendications. Une minorité s’élève contre le ralliement de la CGT : la minorité internationaliste de la CGT et les pacifistes du Syndicat des Instituteurs. L’Union sacrée est condamnée par une minorité, dont Alfred Rosmer de « La Bataille syndicaliste », Pierre Monatte, Raoul Lenoir, et Raymond Péricat, qui a immédiatement demandé l’insurrection contre la guerre et la grève générale9.

En 1915, a lieu la Conférence internationale contre la guerre à Zimmerwald, réunissant une quarantaine de militants de la gauche socialiste internationale de tous pays. Entre les « pacifistes » comptant sur la négociation pour mettre fin à la guerre et les « révolutionnaires » qui souhaite changer la guerre en révolution, le débat est rude. La conférence exige des socialistes qu’ils fassent tout leur possible pour la rupture de l’Union sacrée, et se consacrent à l’action pacifiste et révolutionnaire. Mais les membres de la conférence ne sont guère entendus, et même si certains voient dans la lutte contre la guerre la possibilité de faire une révolution en Allemagne et d’instaurer une république socialiste, la majorité des socialistes restent passifs ou acquis à l’Union sacrée.

Des militants internationalistes opposés à la guerre créent en 1915 le Comité pour la reprise des relations internationales (CRRI), qui « fut le centre nerveux du pacifisme militant en France de 1915 à 191811 ».

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